Le retour de l'étranger provoque toujours ce sentiment que rien n'a changé, que vos amis sont tels qu'ils étaient la veille, que vous n'avez finallement pas bougé. La platitude de l'électrocardiogramme est inversement proportionnel au chamboulement que vous vivez à l'intérieur de vous.
En apparence, nous sommes revenus les mêmes ; il n'y aucune raison de nous penser différents. Mais dedans, pas très loin, nous avons été bouleversés par ces presque deux années à San Francisco. Impossible à expliquer, par où commencer ? Cela vaut-il le coup d'essayer ? Comment partager des parfums, des sentiments, des décors et des gens ? Comment retranscrire les mutations de son ADN ? Il faudrait des heures et nous ne les avons pas les uns pour les autres. Alors en attendant on se contient, on sourit, on profite du présent et on garde le passé pour nous, il fait partie de notre histoire intime... Mais sur l'echelle d'une vie, c'est tellement bon de se dire que "ça, au moins, nous l'avons fait !".
Ne nous y trompons pas : les gens vivent très bien sans vous, avant, pendant et après votre voyage. Votre vie lointaine est une anecdote dans la complexité de leurs existences, un sujet de conversation peut-être, et parfois un moyen d'évaluer la profondeur du manque. Ou pas. L'éloignement est une aventure pour celui qui part. Pour celui qui reste, c'est une mise en parenthèses.
Progressivement, la vibe revient, cette longueur d'ondes que vous partagez avec votre culture, votre langage et les gens que vous aimez. Il faut regoûter à ses amis comme on boit de l'eau la gorge sèche, par petites touches ; on se renifle, on se retrouve, on recupère les données et les raisons de s'aimer. J'ai retrouvé mes amis, comme après mes vies à Barcelone ou Tahiti, avec le même recul, un plaisir intense mais timide, mêlé d'étonnement de les voir toujours là. Ils ne vieillissent pas, ils ne changent pas, ils sont là.
Passons à la suite, retrouvons nos marques, il reste tellement de paysages et de personnes à explorer pour se sentir vivants.
Quand je suis revenu en France après avoir passé 2 ans à Boston, j'ai eu la même impression que toi, celle que tout était pareil. J'ai eu un autre sentiment aussi, l'impuissance à raconter et partager ce que je venais de vivre. Bref, ce fût dur.
Rédigé par : The Dudde | mer. 15 juil 2009 à 18:46
"Votre vie lointaine est une anecdote dans la complexité de leurs existences"
Pour avoir vécu 5 ans en Afrique, je ne peux qu'approuver et surtout apprécier la grande beauté (et la non moins grande vérité) de cette formule !
Une petite question cela dit me taraude : nos compatriotes ne sont-ils pas particulièrement nombrilistes, franco-centrés, n'ont-ils pas tendance à penser qu'en dehors des limites de leur cher hexagone rien n'existe vraiment ... tandis que ceux qui se sont expatrié mesurent (parfois douloureusement) l'insignifiance de ce petit pays d'Europe de l'Ouest et la (souvent) piètre image qu'ont les "étrangers" de ceux qui viennent d'être brillamment élus "pires touristes dans le monde" ?
"Comment partager des parfums, des sentiments, des décors et des gens ? Comment retranscrire les mutations de son ADN ? Il faudrait des heures et nous ne les avons pas les uns pour les autres". Si tes amis manquent de ce temps, nous, lecteurs ayant vécu la même expérience sommes tout disposés à te lire !
Rédigé par : Yann | mer. 15 juil 2009 à 20:26
Nous oublieras-tu cependant ?
Rédigé par : Otir | mer. 15 juil 2009 à 20:46
Décalé devant le familier, étranger et pourtant pareil, pareil devenu étranger.
Beau billet, Vinvin.
Rédigé par : Ardalia | mer. 15 juil 2009 à 20:49
Vous avez bien deviné, Yann, à part vous et vos amis les expat', le français est un paysan stupide à l'ouverture d'esprit limitée, qui ne connaît que lui et -allons-y franchement, on est entre nous- cette merde insignifiante qu'est la France.
Heureusement que vous êtes là, dites...
Rédigé par : anon | mer. 15 juil 2009 à 21:30
Ah ben moi j'ai changé en deux ans ! Avant j'aurait relevé les fautes d'ortaugaffe de votre note et je vous les aurais signalé par des petites phrases du genre "finalement n'a pas deux ailes pour s'envoler dommage il aurait pu en donner une à proportionnel en ajoutant e puisque c'est un oiseau ) Mais maintenant ( enfin depuis que j'ai été remis à ma place par un divin batracien JC fils dieu ) et ben je le fais plus, je me dit que ça vous donne un genre, disons "un américain à Paris" et que vous vous refranchouillerez bien assez vite, c'est plus mon problème, d'ailleurs je crois que je vais moi mâim trufez mon tesqueu de foste pour quessa me donn un ganre ...reinafoot !
Allez, see you partner de la part d'un petit filliot. OKKAY ?!? (tain je m'américanise à vu d'oeuil et on dit que j'ai pas changé d'ADN , qué yé souis touyour cé génôme étranglé )
Rédigé par : lôtre | mer. 15 juil 2009 à 21:43
Contente de te savoir de retour !
Rédigé par : sasa | mer. 15 juil 2009 à 22:01
J'aime bien l'image (et le film) ... Et chouette billet.
"ah ben tant qu'il n'y a pas mort d'homme" ...
Rédigé par : Babou | mer. 15 juil 2009 à 22:21
Merci Vinvin pour ce beau billet si bien écrit.
C'est amusant de voir comment les expats vivent leur retour en France! Moi j'ai passé le 14 juillet à l'ambassade de France. Première fois que je fête le 14 juillet ! ;-) C'est fou comme on se sent patriotique quand on vit hors de son pays. Mais pour l'instant, pas envie de rentrer. Un cocktail avec des français m'a suffit...
Rédigé par : Sophiek | mer. 15 juil 2009 à 22:23
Je n'ai pas encore eu beaucoup le temps de voyager mais à travers mon frère, je m'en rends compte. Alors qu'il est parti pour un an à Bogota (il est rentré aujourd'hui d'ailleurs), la famille (au sens large) semblait se foutre royalement de l'expérience qu'il vivait. Lorsqu'il nous a appelé lors d'une réunion familiale (longue à souhait), personne (en dehors de mes grand-parents et de nous) ne semblait vouloir lui parler. Pourquoi ? Cela fait mal je trouve.
Bref, bel article Vinvin qui m'inspire beaucoup. Welcome back =)
Rédigé par : WacsiM | mer. 15 juil 2009 à 22:24
Welcome Home!
Rédigé par : mistersuperolive | mer. 15 juil 2009 à 22:44
welcome back !
et pour les nains, l'impact est souvent vécu de façon moins "contrôlé". Comment gèrent-ils ce changement ?
Rédigé par : Xav | mer. 15 juil 2009 à 22:46
Welcome Back Vinvin. Et bon courage. On est passé par la il y a deux ans, apres deux ans de cote est, retour en Alsace. Wow... Premier conseil : trouver une ecole ou l'anglais est la deuxieme langue ou (comme nous puisque en Alsace on ne trouve que l'allemand) trouver une jeune americaine du coin qui accepte de teacher les gamins plusieurs fois par semaine. Ca a super bien marche. Mais elle vient de repartir chez elle...a SFO. Mulhouse ou SFO, y'a pas photo !
Rédigé par : Hubert | jeu. 16 juil 2009 à 09:10
"Ne nous y trompons pas : les gens vivent très bien sans vous". > Va savoir? En tous cas ça me manque d'avoir pas bu une biere avec toi avant les vacs...
Rédigé par : Herve Resse | jeu. 16 juil 2009 à 09:31
"les gens vivent très bien sans vous, avant, pendant"... oui, ils vivent aussi. C'est l'objectif avant de partir. On se croise, on se décroise, on se recroise. C'est ainsi.
Rédigé par : Mry | jeu. 16 juil 2009 à 10:22
Personnellement j'ai passé 2 ans sur les bords de Marne, dans la douceur des guinguettes. Et puis il a fallu revenir à des banlieues moins huppées, back to the 91.
Pas toujours facile mais effectivement, les amis étaient là, c'est l'essentiel.
J'aime beaucoup tes billets "divan", ton illustration "mes meilleurs copains" (film fétiche), et puis je suis égoiste: moi je suis bien heureux que tu sois sur Paris. :)
Rédigé par : Jérôme Choain | jeu. 16 juil 2009 à 11:42
> A Yann, il faudrat un peu arrêter d'opposer de façon aussi manichéenne le "Français qui ne part pas" de "l'expat". Il y aussi de gros con ou grosses connes très bornés chez les expats, tout comme des gens d'une rare finesse et d'une rare ouverture d'esprit dans le plus obscur hameau du Limousin (pour prendre un cliché tant qu'on y est hein, le Limousin).
Sur ce, bon retour à toi l'Américain ! Et moi j'irais bien faire un tour à SF !
Rédigé par : L'Orangie | jeu. 16 juil 2009 à 12:42
Bon OK je reconnais que mon comm' ne brille pas par sa finesse et taquine la ligne jaune du manichéisme. Et je ne peux qu'approuver la formule "Il y aussi de gros con ou grosses connes très bornés chez les expats, tout comme des gens d'une rare finesse et d'une rare ouverture d'esprit dans le plus obscur hameau du Limousin"
Cela dit, quand je lis plus haut sous la plume de WacsiM "Alors qu'il est parti pour un an à Bogota (il est rentré aujourd'hui d'ailleurs), la famille (au sens large) semblait se foutre royalement de l'expérience qu'il vivait." ... je persiste à penser qu'il y a un problème. Comment appeler ça diplomatiquement ? Manque d'ouverture d'esprit ?
Par ailleurs, je confirme qu'il existe un vrai décalage entre l'image que les français se font de leur rayonnement (le bon gout, les droits de l'homme, la patrie des Lumières, l'exception culturelle) et l'image qui est effectivement la leur dans le monde.
Rédigé par : Yann | jeu. 16 juil 2009 à 15:12
Vous faites une fixation sur les francais qui ont tel ou tel comportement, mais le billet de Vinvin s'adresse vraiment à toutes les cultures. Il n'y a pas que les francais qui ont de tels torts de ne pas vouloir s'intéresser à la culture de leurs compatriotes expat... c'est une tendance à mon avis tout simplement mondiale. Globalement, les francais ne sont pas plus nombrilistes que les allemands ou les péruviens, et des connards d'expat, y en a autant francais qu'italiens ou japonais. Plutot que de limiter vos analyses à un peuple, généralisez sur l'humain, ce sera plus pertinent.
Rédigé par : Regis | jeu. 16 juil 2009 à 21:13
Voilà pour nous,les ex expats, un petit blog fort bien écrit http://delpy.blog.lemonde.fr/ découvert grâce à @expatlive (après tout c'est followfriday...)qui fera écho au billet de vinvin.
Rivarol disait "L'homme: c'est un voyageur qui finit avec sa route".
Conclusion, même de retour à la maison, le voyage continu... ;) Que vos chemins soient long!
Rédigé par : @RoggeriDidier | ven. 17 juil 2009 à 20:06
En ce qui me concerne, c'est parce que t'avais laissé un trou quand t'es parti Vinvin que j'ai eu envie de te connaitre mieux.
Rédigé par : Guillaume L | sam. 18 juil 2009 à 00:13
Toujours fort en émotion.
Rédigé par : Max | sam. 18 juil 2009 à 17:57
2 occasions d'expatriation de plusieurs mois m'ont laissé cette impression de beaucoup de vécus à dire sans jamais réussir à transmettre l'intensité des découvertes, des rencontres, des décalages , .... de la vie au sens large ... Le retour d'expérience aux amis et proches n'est pas un exercice facile, la proximité habituelle qui construit les liens a simplement été mise en pause de chaque côté ... les petits détails de rien de la vie de tous les jours ne sont plus là ... il faut se reconstruire avec les autres, et surtout redevenir curieux de ses connaissances, ce qu'ils ont fait, vécu, ... chez eux dans leur vie ....
Rédigé par : gbeuvelot | sam. 18 juil 2009 à 22:00
I can't possibly find words that do justice to what you wrote here, in English or in French. Reverse culture-shock described so perfectly, as only you know how.
Hugs from San Francisco.
xoxo
Rédigé par : Alicia l'Américaine | dim. 19 juil 2009 à 00:23
Passé 2 ans en Asie. C'est exactement ça. Les 6 prochains mois vont être bizarres.
Rédigé par : Polar Bear | dim. 19 juil 2009 à 16:43