Il s’est passé quelque chose en fin d’année 2006. Une rupture. La masse des nouveaux entrants a usé les early adopters. Le blog et les blogueurs ont changé. Moi avec. Avec le recul, je dirais que la blogosphère entame sa quatrième vie.
Premier Âge : avant juin 2004. La Genèse.
On y trouve la crème des technophiles, les développeurs, les alertés, les computodépendants (je ne parle pas de toi Christophe), les méga geeks, les Embruns and Co, les cyberconnectés depuis l’aube des temps, les admirateurs de Tron et de Wargames. Des mecs qui ont une brosse à dents en forme de joystick Attari et un Thomson TO7 en guise de lampe de chevet. Cette équipe d’inventeurs constitue le premier rideau, ceux qui savent, perdurent, dominent depuis le début et ricanent de nos errances. Ce sont des gens qui parlent d’Ajax mais ce n’est pas du foot. Et quand ils admirent MySQL, cela n’a rien à voir avec Clara Morgane. Ils créeront le prochain monde en tirant les conclusions qui s’imposent.
Deuxième Âge : juin 2004 – février 2006 : la Conquête de l’ouest.
C’est l’arrivée des “early adopters”, des marketo-vigilants, des gens de médias, des entrepreneurs, des RP, des professionnels de la communication (je débarque en septembre 2004). Bien entendu ils sont une minorité comparés aux dessinateurs, aux poètes, aux geeks, aux Skyblogs, aux musiciens, aux apprenti cuisiniers ; mais ils sont une minorité qui s’agite, pour qui faire du bruit est une vocation, et briller est une seconde nature ; le blog devient à la fois outil d’expression et accessoire mondain d’une pensée libre, socialement intéressante à défendre devant ses amis et collègues, preuve d’une réelle avant-garde. Pour certains d’entre nous, cela représente aussi sincèrement un nouveau loisir, un plaisir, une source nouvelle de rencontres. Le blog donne une obligation de regarder le monde différemment, avec l’objectif quasi quotidien d’en tirer quelque chose de partageable. Gratuitement. C’est le temps des premières rencontres et des émotions presque pures.
Troisième Âge : février à décembre 2006 : l’institutionnalisation et la débâcle.
Le blogueur devient objet de curiosité et intéresse les médias. Si autant de gens en ont, c’est donc qu’il faut en parler. Si on en parle autant, c’est donc qu’il faut en avoir. Roule ma poule, on va inviter des blogueurs à parler, ils doivent avoir des trucs à dire. C’est alors que s’entrechoquent deux mondes, l’ancien et le nouveau. L’ancien se raccroche aux branches en accueillant les nouveaux. Mais l’on ne peut pas recevoir tout le monde, alors on sélectionne. On regarde les stats. On parcourt rapidement. On déniche à la hâte. On demande aux blogueurs de ses amis. Une bande d’amis. Le piège se referme. Et nous courrons, sur les plateaux, dans les gazettes, derrière les micros. Un infime pourcentage non représentatif, comme tous les infimes pourcentages, est mis sous les vieilles lumières de médias fatigués et en manque de sensations. Les millions d’autres blogueurs regardent ce cirque, d’abord amusés, enthousiastes, puis lassés, agacés, jusqu’à l’écoeurement. Tout se mélange. Des classements. Des coming outs. Des meetings. Des édités. Des journalistes en guerre. Des rappeurs à fromage. Des chômeurs en fin de droit. Des association de protection de la pédophilie. Internet, les blogs, iTunes, Myspace, YouTube, mon cul sur tes cheveux ! On flotte en 3D dans un grand terrain vague où tout le monde dit n’importe quoi, s’insulte, se jalouse. Vieilles rancoeurs et viles sentiments ont remplacé le bel élan du début. On vit ensemble tous les jours, forcément on finit par se taper dessus, c’est ça la famille. Point d’orgue : le Web3 et les réactions post-événement. Le festival de la connerie humaine poussé à son paroxysme, un terrain de jeu fantastique pour une thèse en sociologie. En tout cas c’est le sujet que je choisirais si j’étais étudiant. Et je ne parle pas de la purée de barrons ou les alterblogueurs. J’en rie encore.
Quatrième âge : l’Empire contre-attaque.
Alors maintenant j’ai la sensation qu’il faut continuer sans chercher ces fameuses “conversations” que le blog était censé ouvrir. Vu le nombre de blogueurs, l’acharnement des débiles à s’exprimer (je ne donne pas de leçons, toi qui lis trop vite, je pense tout haut), le manque de civilité des plus jeunes, la recrudescence de campagnes de buzz, il faut avancer sans s’arrêter et sans se retourner. Ne plus chercher le dialogue, la réponse, la compréhension de l’idiot (on est tous l'idiot de quelqu'un, je sais), mais peut-être simplement se contenter de sa propre expression. L’expression, c’est déjà énorme. Il faudra trouver un moyen de tempérer les insultes sans fermer les commentaires. De bien expliquer la différence entre espace de liberté et marché aux poissons. Dans ce nouvel âge, j’ai l’impression que les blogueurs vont se concentrer sur leur art, quel qu’il soit, et que nous allons nous accompagner tranquillement, avec ou sans objectifs de gloire, vers la réussite de nos projets. J’ai l’impression que l’on va prendre en maturité et que les quelques specimens qui feront des passages à l’antenne ou ailleurs, sous ces paillettes illusoires, ne s’en vanteront pas plus que d’un 17/20 en histoire-géo. Nous regarderons peut-être cela avec un léger sourire, trouvant ça drôle ces petites percées hors du web, inutiles et sympathiques. Car je crois que c’est sur le web lui-même que se trouve la solution, pas ailleurs. C’est là qu’il est le trésor. Nous saurons alors distinguer le talent pour ce qu’il est, l’accompagner parce qu’il nous plaît et nous fait rêver. Je suis persuadé que le web est, pour quelques temps encore, un extraordinaire terrain de création. Manque plus qu’un modèle économique pour faire de ce terrain vague bien Français un beau jardin à l’Anglaise.
Je rappelle que mon blog est mon espace de liberté ultime, et que je fais mes petites théories à moi si je veux. Non mais. Et je suis de très bonne humeur en plus. J'ai mangé un éclair au café, espérant rapidement dépasser mon poids d'infarctus. La vie est belle !
Et pour faire pareil (ouh le vilain copieur que je suis), voici donc mon analyse (ce sera obligatoirement une analyse, vu que je suis très intelligent !) les théories sur le "phénomène" blog. Je suis même spécialiste en analyses, sur tout (et rien !)
Faut bien y mettre "phénomène" (ça m'plaît, ça, d'y accoler "phénomène" ou mieux encore, "rupture" ! Mais rupture, c'est pas moi), sinon, hein, y'aura pas de modèle économique pour tondre la pelouse, tracer des allées au cordeau, tailler les haies, sans oublier de mettre à l'entrée (sur une bien belle grille qui coupe le mur !) : "private" ou un truc équivalent. Tiens, et si on rejouait les radios "libres" ?
J'aime pô les haies taillées, ça fait fuire les oiseaux. J'aime pas les allées bien droites, rien dans le monde n'est droit, tout est courbe (et volupté..). J'aime pas le bruit des tondeuses, en plus, ça pollue plus que les bagnoles. Et pour les grilles avec interphone, alors là, je préfère rester silencieux...
Je ne sais pas d'où sort ce terrain vague "bien" français ? Parce que si je regarde tous ces "jardins" par milliers, par millions, moi, ça m'fait plutot du bien de voir toute cette diversité, cette pagaille, cette floraison non-ogéèmisée.
Ah mais c'est bien sur, hein, dans ce phénomène des blogs, les français ne peuvent qu'être que des j'm'enfoutistes même pas capable d'entreteniir un jardin, alors que l'anglais, hein, ça a une autre tenue....
Bon, ce sera tout pour aujourd'hui. C'est que ça fatigue, les si brillantes analyses. Surtout les miennes. Et hop, encore un hypertrophié qui se répand dans uhn blog (je cause de moi, là, je suis lucide et intelligent).
J'adore avoir des avis.
Allez, la bises du nouvel an.
Rédigé par : Edmond K | dim. 07 jan 2007 à 12:08
c'est cool les blogueurs commentateurs, ils font correcteurs d'orthographe !
bonne année, m'sieur.
Rédigé par : ab6 | dim. 07 jan 2007 à 12:33
Les commentaires débiles, certains les canalisent en créant un forum attenant à leur site ou blog... on perle des blogs, je trouve que les forums sont plus encore un champ d'observation de l'âme humaine assez passionnant... ou édifiant si l'on préfère. Je ne sais ce qu'attendent les sociologues de tout poil pour aller investiguer de ce côté là (aussi).
Dans la forumosphère, après le stade création des couples (2005-2006), pour 2007, on en est au stade bébés dans un certain nombre de cas, sans que les forums en question n'aient ou n'aient eu aucunement pour but les rapprochements sentimentaux.
Rédigé par : diseuse | dim. 07 jan 2007 à 14:30
Quand on commence avec les catégories, ça se termine d'habitude avec les classements et la création d’une épopée (on parle de l’empire contre attaque n’est pas ?) avec le mythe des pionniers jusqu’à la masse d’abroutis d’Adorno qui arrive et casse le rêve. Les classements sont toujours fait par ceux qui se sentent menacés par l’arrivée de la masse et qui souhaitent remettre de l’ordre pour pouvoir dire : « Moi j’été la en premier ». Internet suit les mêmes mécanismes de la télé, des journaux et de tous les media qui l’ont précédé, même si dans cette phase frémissante on se dit qu’Internet est nouveau et que c’est Le media définitif et parfait.
Le media est surpuissant et nouveau, bien sûr. Les êtres humains quant à eux, ne sont pas changés et ils ont la drôle tendance à ignorer complètement l’histoire et à reproduire exactement les mêmes erreurs à chaque fois.
Soyons gai ! Cette fois on pourra savourer les désastres et les catastrophes n’importe où et n’importe quand sur nous bijoux technologiques convergents: nous pourrons en suite les mettre en ligne sur notre blog ou spammer nos amis et regarder combien de clic la vidéo du monde qui s’effondre a généré.
Inutile donc de se plaindre de cette dérive d’Internet : on ne peut pas le garder propre et parfait comme l’on souhaiterait car Internet est le media qui démocratise la stupidité et transforme la médiocrité en qualité. Comme vous le disiez quelque part ailleurs, on ferme les yeux et on essaye de regarder seulement ce qui nous intéresse.
Salvatore. (Les puristes de la langue française me pardonnent les fautes)
Rédigé par : Salvatore Forte | lun. 08 jan 2007 à 17:24
M..., j'ai créé Kronikhall en mars 2006! je me serais un peu mieux démerdé avec Movable Type, j'étais bon pour la conquête de l'Ouest. A quelques jours près, je suis tombé dans la débacle. A quoi ça tient la "ploucitude"... (néologisme déposé avant Ségolène)
Rédigé par : NicolasJ | lun. 08 jan 2007 à 22:37
J'ai apprécie ton analyse, jeune blogeuse que je suis.
Vraiment déroutée et un peu la nausée au bord des lèvres de ce que j'ai constaté en décembre après le WEB3.0.
C'est vrai que le monde des blogs représente aussi la société telle qu'elle est.
Oui, il est emps de parler de :
se concenter sur leur art
distinguer les talents
faire rêver.
Oui, enfin parler de qualité et non de quantité
Adieu les statistiques , dès lors du moment que mon blog me représente, est à mon image
Blog = identité pour moi.
Oui le blog peut "faire rêver ".
Merci de le noter.
Rédigé par : christine | mer. 10 jan 2007 à 16:44
"Deuxième Âge : juin 2004 – février 2006 : la Conquête de l’ouest." <- début ou fin février ?! Non parce que j'ai ouvert le mien le 15 février 2006 et personnellement, je me reconnais un peu plus dans ta description de la 1ère génération que des suivantes hihi (même si, oui, la télé est venue me chercher par le biais de mon blog, j'avoue :$).
En tous cas, très beau billet qui fait parfaitement écho à ma façon de percevoir l'outil, le concept de blog...
Merci pour ce post...
Rédigé par : burningHat | ven. 12 jan 2007 à 16:14
elle est marrante ta copine nina !
Par contre bon en 2003, le blog qui focalisait c'était le journal de Lou, dans le genre brosse à dent en forme de joystick, tu repasseras
(oui je commente ce post une année et demi après)
Rédigé par : raph | jeu. 08 jan 2009 à 22:00